Résumé : « C'est arrivé subrepticement, sournoisement, sans prévenir, une vraie saloperie, une lente et insidieuse pénétration. Je suis l'esclave d'une chose indéfinissable qui est en train de me détruire et je lui obéis sans aucune résistance... »
«Quelque chose a changé». Ce « quelque chose » n'est autre que le début de la plongée dans une dépression nerveuse dont le célèbre romancier a été victime.
Dans un récit vécu, sans fard ni concession, l'auteur de La traversée raconte ce que signifie perdre le désir, l'énergie, la passion, l'estime de soi. Avec un style intime, conduit par le souci authentique de restituer « cette tristesse sans larmes », et « dire comment c'était », selon la formule de ses maîtres en écriture, Hemingway et Hugo, Philippe Labro évoque les effets de « la broyeuse » qui vous ronge le ventre.
Mais ce témoignage unique, porté par le souffle de l'écriture, constitue aussi une éclatante affirmation de la force de la vie et de l'amour.
Mon avis : Rares sont les fois où je me vois lire ce genre de livre autobiographiques centrés sur un passage de ladite vie. Or, ayant besoin de comprendre cette gangrène cérébrale que l'on appelle dépression, je me suis laissé tenté par ce livre. Je ne m'attendais pas à une solution miracle pour en sortir (bah oui, parce que cela me ronge depuis plus de trois ans...) mais juste à un témoignage prouvant que non, je ne suis pas tout seul.
Ce billet, outre le fait qu'il soit orienté sur le livre, est en quelque sorte un billet d'humeur ou plutôt un semblant de mise à nue du blogger nommé Lexounet...
Ce que j'ai aimé dans ce livre... a peu près tout je dois dire. Tout d'abord le style de Philippe Labro car c'est l'une des forces de l'oeuvre. Fluide, mots placés avec justesse, il n'y a vraiment pas grand chose à redire. Cela reste accessible tout en étant bien travaillé.
Comme c'est autobiographique, on pourrait se demander quel intérêt, à part la recherche de compassion, l'auteur avait à écrire un tel livre. je pense que c'est d'un point de vue thérapeutique, cela peut être intéressant (et il n'est pas le premier à le faire). D'ailleurs, on ne peut pas dire qu'il se fasse beaucoup de concession se décrivant avec justesse, avec un oeil critique et sévère sur l'état dans lequel ce mal l'a plongé.
Il décrit la maladie et ses effets incroyablement bien. On a l'impression, pour ceux qui l'ont vécu, de s'y retrouver. On ne sait pas d'où cela vient, on sait que c'est là, on ne sait pas pourquoi, on se demande pourquoi, on demande que ça s'en aille au plus vite mais on n'a jamais de date, jamais de certitudes, rien...
Le seul reproche que je pourrais lui faire est qu'il en oublie l'unicité de la dépression : lui l'a vécu pendant plus d'un an sous une forme mais il en existe tant d'autres que le peu de conseils qu'il nous offre sont rendus futiles. Aussi, on ressent son côté narcissique et il s'éloigne de l'altruisme qu'un homme ressortant de la dépression peut ressentir mais encore une fois, c'est propre à chacun...
Beaucoup de phrases me resteront en mémoire au milieu de ce témoignage magnifique telles :
"L'homme ayant une lame de rasoir dans l'oeil se fout du sort de la marine anglaise""J'attendais quelque chose. En espagnol, attente se dit esperanza. L'espoir ce n'est jamais que ça : attendre." Je rajouterai qu'il n'y a rien de pire que de vivre dans l'attente...
En bref, je dirai que ce livre m'a marqué dans le fait que ce témoignage correspond à beaucoup de malades qui aimeraient bien se sentir moins seuls dans cette maladie incompréhensible. Je ne sais pas si je lirai un autre livre de l'auteur qui a pourtant une superbe plume mais en tout cas, je conseille celui-ci même pour ceux qui se sont toujours sentis loin de la dépression.
J'attribue un 16/20 à ce livre.